Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/460

Cette page n’a pas encore été corrigée


A cinq cents lis de Tsiamdo, en allant vers les frontières de Chine, on rencontre une ville nommée Djaya qui, avec les contrées qui en dépendent, est soumise à un Grand-Lama, portant le titre de Tchaktchouba. Cette dignité lamaïque est un peu inférieure à celle de Houtouktou. A l'époque où nous étions dans le Thibet, il s'était élevé une grande lutte entre le Houtouktou de Tsiamdo, et le Tchaktchouba de Djaya. Ce dernier, jeune Lama audacieux et entreprenant, s'était déclaré Houtouktou, en vertu d'un vieux diplôme qui lui aurait été accordé dans une de ses vies antérieures, par le Talé-Lama. Il voulait en conséquence faire valoir ses droits à la suprématie, et réclamait le siège de Tsiamdo avec le gouvernement de la province de Kham. Le Houtouktou de Tsiamdo, Lama d'un âge très-avancé, ne voulait pas se démettre de son autorité, et alléguait de son côté des titres authentiques, envoyés par la cour de Péking, et ratifiés par le Grand-Lama de Lha-Ssa. Toutes les tribus et toutes les lamaseries de la province, étaient entrées dans cette querelle, et avaient pris parti, les unes pour le jeune, et les autres pour le vieux Houtouktou. Après de longues et inutiles contestations, soit écrites, soit verbales, on en vint aux armes ; et pendant une année entière, ces peuplades sauvages et fanatiques se livrèrent de sanglantes batailles. Des villages entiers furent détruits, et leurs habitants taillés en pièces. Dans leur épouvantable fureur, ces farouches combattants portèrent partout le ravage ; ils poursuivaient dans les déserts, à coups de flèches et de fusils, les troupeaux de chèvres et de bœufs à long poil ; et dans ces courses de destruction, ils ne manquaient jamais d'incendier les forêts qu'ils rencontraient sur leur passage.