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avec une sorte d'exaltation fébrile, les terreurs qu'il avait éprouvées dans les passages les plus difficiles. Le Dhéba de Alan To, en apprenant qu'aucun homme n'avait péri, trouva que la caravane avait eu un bonheur inoui. Trois bœufs, chargés de bagages, avaient bien été engloutis ; mais ces accidents ne comptaient pas, ils ne valaient pas la peine qu'on s'en occupât. Ly-Kouo-Ngan nous dit qu'il n'avait jamais traversé le défilé de Alan-To, sans être témoin d'affreux malheurs. Dans son voyage précédent, quatre soldats avaient été précipités du haut de la montagne avec les chevaux qu'ils montaient. Tout le monde avait à raconter des catastrophes dont le simple récit faisait dresser les cheveux sur la tête. On s'était abstenu de nous parler à l'avance de tout cela, de peur que nous ne voulussions pas continuer la route. Au fait, s'il nous eût été donné d'entrevoir, depuis Lha-Ssa, les abîmes épouvantables de Alan-To, il est probable que l'ambassadeur Ki-Chan eût difficilement réussi à nous faire entreprendre ce voyage.

De Alan-To, où l'on changea les oulah, nous descendîmes, à travers une épaisse forêt de sapins, dans une vallée, où nous nous arrêtâmes après quatre-vingt-dix lis de marche, dans un village nommé Lang-Ki-Tsoung. Ce poste est un des plus pittoresques et des plus agréables que nous ayons rencontrés sur toute notre route. Il est situé au milieu d'une plaine, bornée de tous côtés par des montagnes peu élevées, et dont les flancs sont couverts d'arbres de haute futaie. La campagne est assez fertile, et les Thibétains de cette contrée paraissent la cultiver avec beaucoup de soin. Lrs champs sont arrosés par un ruisseau