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soldats s'emparèrent de leurs chefs, et après les avoir garrottés, les menacèrent de les précipiter dans ce gouffre, si on ne leur promettait pas une augmentation de solde. Les généraux ayant pris l'engagement de faire droit aux réclamations de l'armée, la sédition s'apaisa, les Mandarins furent mis en liberté, et on continua tranquillement la route jusqu'à La-Ri. Aussitôt qu'on fut arrivé dans cette ville, les généraux tinrent leur promesse, on augmenta la solde ; mais en même temps ces troupes insubordonnées furent impitoyablement décimées. — Et que dirent les soldats ? demandâmes-nous à Ly-Kouo-Ngan. — Ceux sur qui le sort ne tomba pas, rirent beaucoup, et trouvèrent que les chefs avaient eu une grande habileté.

En quittant le sommet du Chor-Kou-La, on suit une route peu inclinée, et on continue à voyager pendant plusieurs jours sur les hauteurs d'un immense massif dont les nombreux rameaux étalent au loin leurs cimes aiguës et les faces escarpées de leurs pics. Depuis Lha-Ssa jusqu'à la province du Sse-Tchouen, dans toute l'étendue de cette longue route, on ne voit jamais que de vastes chaînes de montagnes, entrecoupées de cataractes, de gouffres profonds, et d'étroits défilés. Ces montagnes sont tantôt entassées pêle-mêle, et présentent à la vue les formes les plus bizarres et les plus monstrueuses : tantôt elles sont rangées et pressées symétriquement les unes contre les autres comme les dents d'une immense scie ; ces contrées changent d'aspect à chaque instant, et présentent aux yeux des voyageurs des tableaux d'une variété infinie. Cependant, au milieu de cette inépuisable diversité, la vue continuelle des montagnes répand sur la route une certaine