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de voyager sur une pareille route. Ly-Kouo-Ngan avait cependant raison en tout point, et nous pûmes bientôt nous en convaincre.

On fit passer les animaux les premiers, d'abord les bœufs, et puis les chevaux. Un magnifique bœuf à long poil ouvrit la marche : il avança gravement jusque sur le bord du plateau ; là, après avoir allongé le cou, flairé un instant la glace, et soufflé par ses larges naseaux quelques épaisses bouffées de vapeur, il appliqua avec courage ses deux pieds de devant sur le glacier, et partit à l'instant, comme s'il eût été poussé par un ressort. Il descendit les jambes écartées, mais aussi raides et immobiles que si elles eussent été de marbre. Arrivé au bout du glacier, il fit la culbute, et se sauva grognant et bondissant à travers des flots de neige. Tous les animaux les uns après les autres nous donnèrent ce spectacle, qui était réellement palpitant d'intérêt. Les chevaux faisaient en général, avant de se lancer, un peu plus de façon que les bœufs ; mais il était facile de voir que les uns et les autres étaient accoutumés depuis longtemps à ce genre d'exercice.

Les hommes s'embarquèrent à leur tour, avec non moins d'intrépidité et de succès que les animaux, quoique d'après une méthode toute différente. Nous nous assîmes avec précaution sur le bord du glacier ; nous appuyâmes fortement sur la glace nos talons serrés l'un contre l'autre ; puis nous servant du manche de notre fouet en guise de gouvernail, nous nous mimes à voguer sur ces eaux glacées, avec la rapidité d'une locomotive. Un marin eût trouvé que nous filions au moins douze nœuds. Dans nos longs et nombreux voyages, nous n'avions encore jamais rencontré un moyen