Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/428

Cette page n’a pas encore été corrigée

laisser aller ; le seul danger était de rouler trop brusquement, de franchir le sentier battu, et d'aller s'engloutir pour toujours au fond de quelque abime. Dans un semblable pays, des accidents de ce genre ne sont nullement chimériques. Nous descendîmes donc lestement, tantôt debout, tantôt assis, et sans autres mésaventures que des culbutes et de longues glissades, bien plus propres à exciter l'hilarité que la crainte des voyageurs.

Un peu avant d'arriver au bas de la montagne, toute la caravane s'arrêta sur un petit plateau où s'élevait un obo, ou monument bouddhique, en pierres amoncelées et surmontées de banderolles et d'ossements chargés de sentences thibétaines. Quelques énormes et majestueux sapins entouraient cet obo, et l'abritaient sous un magnifique dôme de verdure, — Nous voici arrivés au glacier de la montagne des Esprits, nous dit Ly-Kouo-Ngan ; nous allons rire un instant. — Nous regardâmes avec étonnement le Pacificateur des royaumes. — Oui, voici le glacier, voyez de ce côté. Nous nous dirigeâmes vers l'endroit qu'il nous indiquait ; nous nous penchâmes sur le bord du plateau, et nous aperçûmes un immense glacier extrêmement bombé, et bordé des deux côtés par d'affreux précipices. On pouvait entrevoir, sous une légère couche de neige, la couleur verdâtre de la glace. Nous détachâmes une pierre du monument bouddhique et nous la jetâmes sur le glacier. Un bruit sonore se fit entendre, et la pierre glissant avec rapidité, laissa sur son passage un large ruban vert. Il n'y avait pas à en douter, c'était bien là un glacier ; et nous comprimes une partie des paroles de Ly-Kouo-Ngan ; mais nous ne trouvions absolument rien de risible à être obligés