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plus avancés que leurs voisins. Le cuisinier de Ly-Kouo-Ngan savait nous préparer la venaison d'une façon qui ne laissait rien à désirer.

Le jour fixé pour le départ étant arrivé, les oulah se trouvèrent prêts de grand matin. Le vent avait complètement cessé, et la pluie ne tombait plus. Cependant il s'en fallait que le temps fût beau ; une brume froide et épaisse remplissait la vallée, et dérobait à la vue les montagnes environnantes. Nous dûmes néanmoins partir, car les gens du pays s'accordaient à dire que, pour la saison, c'était tout ce qu'on pouvait désirer de mieux. Tant que vous serez dans la vallée, nous disait-on, vous ne verrez pas très"clair ; mais une fois arrivés sur les hauteurs, l'obscurité disparaîtra : règle générale, quand il y a de la brume dans la vallée, il tombe de la neige sur les montagnes. Ces paroles étaient très-peu rassurantes ; il fallut pourtant se résigner, et s'aguerrir contre la neige, car tout le monde nous assurait que, depuis Ghiamda jusqu'aux frontières de Chine, tous les jours, sans en excepter un seul, nous en verrions sur notre route.

Au moment où nous montions à cheval, le Dhéba de Ghiamda nous fit cadeau de deux paires de lunettes, pour mettre nos yeux à l'abri de la blancheur éblouissante de la neige. Nous ne pûmes d'abord nous empêcher de rire, à la vue de ces appareils d'optique d'une façon toute nouvelle. La place que tiennent les verres, dans les lunettes ordinaires, était occupée par un tissu en crin de cheval extrêmement bombé, et ressemblant assez, par la forme, à de grosses coques de noix. Pour tenir ces deux couvercles assujettis sur les yeux, il y avait des deux côtés, deux