Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/409

Cette page n’a pas encore été corrigée

il y en avait un plus grotesquement masqué que les autres, qui jouait spécialement le rôle de farceur, et s'était réservé le monopole des plaisanteries et des réparties piquantes. Nous n'avions pas une habitude suffisante de la langue thibétaine pour apprécier le mérite de ses saillies ; mais à en juger par les trépignements et les éclats de rire du public, il paraissait s'acquitter à merveille de ses fonctions d'homme d'esprit. En somme, ces espèces de représentations théâtrales étaient assez amusantes ; les Thibétains en étaient enthousiasmés. Quand on eut bien dansé, sauté et chanté pendant plus de deux heures, tous les bateleurs vinrent se ranger en demi-cercle devant nous, détachèrent leur masque, et nous tirèrent la langue en s'inclinant profondément. Chacun de nous offrit au chef de la troupe une écharpe de félicité ... et la toile tomba.

Dans l'après-midi, nous invitâmes Ly-Kouo Ngan à une petite promenade ; malgré le peu d'élasticité dont jouissaient ses jambes, il accueillit de bonne grâce notre proposition, et nous allâmes ensemble explorer le pays. Le village de Midchoukoung est assez populeux ; mais tout y annonce que ses habitants ne vivent pas dans une grande aisance. Les maisons sont en général construites en cailloux grossièrement cimentés avec de la terre glaise. On en voit un assez grand nombre qui sont à moitié écroulées, et dont les ruines servent de retraite à des troupes de gros rats. Quelques petits autels bouddhiques, soigneusement peints à l'eau de chaux, sont les seules constructions qui présentent un peu de propreté, et dont la blancheur contraste avec la teinte grisâtre et enfumée du village. Midchoukoung a un corps de garde chinois, composé de