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épaisses, formées avec de grosses pierres. Le défrichement de ce terrain rocailleux a sans doute coûté, aux premiers cultivateurs, beaucoup de fatigues et une grande patience. Ces pierres énormes ont dû être péniblement arrachées du sol, les unes après les autres, et roulées avec effort sur les limites des champs.

Au moment de notre passage, la campagne présentait en général un aspect morne et mélancolique. Cependant le tableau était quelquefois animé par quelques caravanes de Lamas, qui se rendaient en chantant et en folâtrant à la solennité du Lha-Ssa-Morou. Des cris de joie et des éclats de rire, s'échappaient par intervalles des métairies qui bordaient la route, et nous annonçaient que les réjouissances du nouvel an n'étaient pas encore terminées.

Notre première étape ne fut pas longue. Nous nous arrêtâmes bien avant le coucher du soleil, à Detsin-Dzoûg, gros village éloigné de Lha-Ssa de six lieues (soixante lis). Une grande maison avait été préparée à l'avance, pour le repos de la caravane. Aussitôt que nous eûmes mis pied à terre, nous fûmes introduits, par le chef du village, dans une chambre au milieu de laquelle flambait un magnifique feu d'argols, dans un grand bassin en terre cuite. On nous invita à nous asseoir sur d'épais coussins de pou-lou vert, et on nous servit immédiatement du thé beurré. Nous fûmes entourés de tant de soins et de prévenances, que nos cœurs finirent bientôt par s'épanouir. Celte manière de voyager nous parut merveilleuse. Quel contraste en effet avec la vie dure et pénible que nous avions menée dans le désert, où une halte n'était pour nous qu'un surcroît de misères ! Voyager sans être obligés de dresser une tente et