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nous indiquait : nous aperçûmes en effet une barque, et un homme qui s'avançait à travers champs ; mais, à l'opposé de ce qui se pratique ordinairement, c'était la barque qui était portée par l'homme, et non l'homme par la barque. Ce batelier, qui courait le dos chargé d'une grande embarcation, était une chose monstrueuse à voir. Aussitôt qu'il fut arrivé sur le rivage, il déposa tranquillement son fardeau, et poussa la barque à l'eau sans le moindre effort. Il n'y avait pas de milieu ; ou l'homme était d'une force prodigieuse, ou la barque d'une légèreté extrême. Nous regardâmes l'homme, et nous n'aperçûmes en lui rien d'extraordinaire ; nous approchâmes de la barque, nous l'examinâmes, nous la touchâmes, et le problème fut aussitôt résolu. Cette grande embarcation était fabriquée avec des cuirs de bœuf solidement cousus les uns aux autres ; dans l'intérieur, quelques légères tringles en bambou servaient à lui maintenir sa forme.

Après avoir serré affectueusement la main au gouverneur kachemirien, nous entrâmes dans l'embarcation ; mais nous faillîmes la crever du premier pas que nous fîmes. On avait oublié de nous avertir qu'on devait seulement appuyer les pieds sur les tringles de bambou. Quand nous fûmes tous embarqués, le batelier se mit à pousser avec une longue perche, et dans un clin d'œil nous fûmes de l'autre côté de la rivière ; nous sautâmes à terre, et le patron prenant la barque sur son dos se sauva à travers champs.

Ces barques en cuir ont l'inconvénient de ne pouvoir rester longtemps dans l'eau sans se pourrir. Aussitôt qu'on s'en est servi, on a soin de les renverser sur la plage, pour