Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/387

Cette page n’a pas encore été corrigée

avait désigné pour nous accompagner jusqu'en Chine. Nous nous rendîmes à son invitation ; et comme le convoi devait s'organiser chez lui, nous y fîmes transporter nos effets.

Ly, Pacificateur des royaumes, était originaire de Tcheng-Tou-Fou, capitale de la province du Sse-Tchouen : il appartenait à la hiérarchie des Mandarins militaires. Pendant douze ans, il avait servi dans le Gorkha, province du Boutan, où il avait obtenu un avancement rapide, et était parvenu jusqu'à la dignité de Tou-Sse, avec le commandement général des troupes qui surveillent les frontières voisines des possessions anglaises. Il était décoré du globule bleu, et jouissait du privilège de porter à son bonnet sept queues de martre-zibeline. Ly-Kouo-Ngan n'était âgé que de quarante-cinq ans, mais on lui en eût bien donné soixante-dix, tant il était cassé et délabré ; il n'avait presque plus de dents, ses rares cheveux étaient gris, et ses yeux ternes et vitrés supportaient avec peine une lumière trop vive ; sa figure molle et plissée, ses mains entièrement desséchées, et ses jambes épaisses, sur lesquelles il pouvait à peine se soutenir, tout indiquait un homme épuisé par de grands excès. Nous crûmes d'abord que cette vieillesse précoce était le résultat d'un usage immodéré de l'opium ; mais il nous apprit lui-même, et dès notre première entrevue, que c'était l'eau-de-vie qui l'avait réduit en cet état. Ayant demandé et obtenu sa retraite, il allait, au sein de sa famille, essayer de réparer, par un régime sage et sévère, le délabrement de sa santé. L'ambassadeur Ki-Chan n'avait tant pressé notre départ, que pour nous faire aller de compagnie avec ce Mandarin, qui, en sa