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petit tortché fabriqué sur le modèle de celui qui est venu merveilleusement de l’Inde. Quand ils récitent leurs prières, et pendant les cérémonies religieuses, cet instrument leur est indispensable : ils doivent tantôt le prendre, tantôt le déposer sur leurs genoux, puis le reprendre et le faire tourner dans leur main, suivant les règles marquées par le livre des rites. Le tortché de Sera est l’objet d’une grande vénération. Les pèlerins ne manquent jamais d’aller se prosterner devant la niche où il repose. Aux fêtes du nouvel an, on le transporte processionnellement et en grande pompe à Lha-Ssa, pour l’offrir à l’adoration des habitants de la ville.

Pendant que les innombrables Lamas du Lha-Ssa-Morou, célébraient avec transport leur bruyante fête, nous autres, le cœur navré de tristesse, nous étions occupés en silence des préparatifs de notre départ ; nous défaisions cette petite chapelle où nous avions goûté des consolations bien enivrantes, mais hélas ! de bien courte durée. Après avoir essayé de défricher et d’ensemencer un pauvre petit coin de cet immense désert, il fallait l’abandonner, en nous disant que bientôt, sans doute, les ronces et les épines viendraient repousser en abondance, et étouffer ces précieux germes de salut qui déjà commençaient à poindre. O ! comme ces pensées étaient amères et désolantes ! Nous sentions nos cœurs se briser ; et nous n’avions de force que pour supplier le Seigneur d’envoyer à ces pauvres enfants des ténèbres, des Missionnaires plus dignes de leur porter le flambeau de la foi.

La veille de notre départ, un des secrétaires du Régent entra chez nous, et nous remit, de sa part, deux gros lingots