Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/364

Cette page n’a pas encore été corrigée

venus au milieu d'eux avec des intentions pacifiques, et que nous n'entendions nullement nous y établir par la violence.

Une autre considération vint encore nous confirmer dans notre résolution. Il nous vint à la pensée que cette tyrannie même que les Chinois exerçaient contre nous serait peut être cause que les Missionnaires pourraient un jour s'établir dans le Thibet avec sécurité. Dans notre candeur, nous nous imaginions que le gouvernement français ne verrait pas avec indifférence cette prétention inouïe de la Chine, qui ose poursuivre de ses outrages le christianisme et le nom français jusque chez les peuples étrangers, et à plus de mille lieues loin de Péking. Nous étions persuadés que le représentant de la France à Canton ne pourrait s'empêcher de faire de vives réclamations auprès de l'autorité chinoise, et qu'il obtiendrait une juste réparation de la violence qui nous avait été faite. En pensant ainsi, nous pauvres et obscurs Missionnaires, nous étions bien loin de vouloir nous donner, à nos propres yeux, la moindre importance personnelle ; mais, nous ne le cachons pas, nous avions l'orgueil de croire que notre qualité de Français, serait un titre suffisant pour obtenir la protection du gouvernement de notre patrie.

Après avoir mûrement réfléchi aux motifs que nous venons d'indiquer, nous nous rendîmes chez le Régent. En apprenant que nous avions résolu de partir de Lha-Ssa, il parut triste et embarrassé. Il nous dit qu'il eût vivement désiré de pouvoir nous assurer dans le Thibet un séjour libre et tranquille ; mais que seul, et privé de l'appui de son souverain, il s'était trouvé trop faible pour réprimer la tyrannie