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Cette opinion des Bouddhistes, qui fait du religieux un homme cosmopolite, n'est pas simplement une pensée mystique écrite dans les livres ; mais nous avons remarqué qu'elle était passée dans les mœurs et les habitudes des lamaseries. Aussitôt qu'un homme s'est rasé la tête et a revêtu le costume religieux, il renonce à son ancien nom pour en prendre un nouveau. Si l’on demande à un Lama de quel pays il est, il répond : Je n'ai pas de patrie, mais je passe mes jours dans telle lamaserie. Cette manière de penser et d'agir est même admise en Chine, parmi les bonzes et les autres espèces de religieux, qu'on a coutume de désigner par le nom générique de Tchou-Kia-Jin, homme sorti de la famille.

Il s'engagea à notre sujet une lutte de plusieurs jours entre le gouvernement thibétain et l'ambassadeur chinois. Ki-Chan, afin de mieux réussir dans ses prétentions, se posa comme défenseur des intérêts du Talé-Lama. Voici quelle était son argumentation : Envoyé à Lha-Ssa par son empereur afin de protéger le Bouddha-vivant, il était de son devoir d'éloigner de lui tout ce qui pouvait lui être nuisible. Des prédicateurs de la religion du Seigneur du ciel, bien qu'animés d'intentions excellentes, propageaient une doctrine qui, au fond, tendait à ruiner l'autorité et la puissance du Talé-Lama. Leur but avoué était de substituer leurs croyances religieuses au bouddhisme, et de convertir tous les habitants du Thibet, de tout âge, de toutes conditions et de tout sexe. Que deviendrait le Talé-Lama lorsqu'il n'aurait plus d'adorateurs ? L'introduction de la religion du Seigneur du ciel dans le pays, ne conduit-elle pas directement à la destruction du sanctuaire du Bouddha-La, et