Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/36

Cette page n’a pas encore été corrigée

plaine d'une vaste étendue, lorsque tout à coup il se fit un grand calme dans l'atmosphère. On ne remarquait pas la moindre agitation dans l'air, et cependant le temps était d'une froideur extrême. Insensiblement le ciel prit une couleur blanchâtre, sans que pourtant on vit se former aucun nuage. Bientôt le vent se mit à souffler de l'ouest ; et il acquit, en peu de temps, une telle violence, que nos animaux ne pouvaient presque plus avancer. La nature entière était comme dans un effroyable état de dissolution. Le ciel, toujours sans nuages, se chargea d'une teinte rousse. La fureur du vent allait par tourbillons, et soulevait dans les airs des colonnes immenses chargées de poussière, de sable, et de débris de végétaux ; puis ces colonnes étaient lancées avec impétuosité à droite, à gauche, dans tous les sens. Le vent souffla enfin avec une telle fureur, l'atmosphère fut tellement bouleversée, qu'en plein midi, il nous était impossible de distinguer les animaux sur lesquels nous étions montés. Nous descendîmes de cheval, car il n'y avait plus moyen de faire un pas ; et après nous être enveloppé la figure avec notre mouchoir, pour n'être pas aveuglés par les sables, nous nous accroupîmes à côté de nos montures. Nous ne savions plus où nous étions ; il nous semblait, à chaque instant, que le système du monde se détraquait complètement, et que la fin de toutes choses était arrivée. Cela dura pendant plus d'une heure. Quand le vent se fut un peu calmé, et que nous pûmes voir clair autour de nous, nous nous trouvâmes tous séparés, et à une assez grande distance les uns des autres. Car au milieu de cette effroyable tempête, nous avions eu beau crier, beau nous appeler, il nous avait été