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l'ambassadeur chinois tramait secrètement notre expulsion du Thibet. Le bruit vague de cette persécution n'avait, du reste, rien qui put nous étonner. Dès le commencement, nous avions prévu que, s'il nous survenait des difficultés, ce ne pourrait être que de la part des Mandarins chinois. Ki-Chan, en effet, ne pouvait supporter de voir le gouvernement thibétain accueillir si favorablement une religion et des étrangers que les absurdes préjugés de la Chine repoussent depuis si longtemps de ses frontières. Le christianisme et le nom français excitaient trop vivement la sympathie de la population de Lha-Ssa, pour que les Chinois n'en fussent pas jaloux. Un agent de la cour de Péking ne pouvait penser, sans dépit, à la popularité dont des étrangers jouissaient dans le Thibet, et à l'influence qu'ils exerceraient peut-être un jour dans un pays que la Chine a tout intérêt à tenir sous sa domination. Il fut donc arrêté qu'on chasserait de Lha-Ssa les prédicateurs de la religion du Seigneur du ciel.

Un jour, l'ambassadeur Ki-Chan nous fit appeler, et après maintes cajoleries, il finit par nous dire que le Thibet était un pays trop froid, trop pauvre pour nous, et qu'il fallait songer à retourner dans notre royaume de France. Ki-Chan nous adressa ces paroles avec une sorte de laisser-aller et d'abandon, comme s'il eût supposé qu'il n'y avait pas la moindre objection à faire. Nous lui demandâmes si, en parlant ainsi, il entendait nous donner un conseil ou un ordre. — L'un et l'autre, nous répondit-il froidement. — Puisqu'il en est ainsi, nous avons d'abord à le remercier pour l'intérêt que tu parais nous porter, en nous avertissant que ce pays est froid et misérable. Mais tu devrais