Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/339

Cette page n’a pas encore été corrigée

il le ferait étrangler ou décapiter. Oh ! nous n'avons pas comme vous une assemblée de tous les chefs (Tchoung-Teou-Y ; c'est ainsi que Ki-Chan désignait la chambre des députés.) Si votre Empereur voulait agir contrairement à la justice, votre Tchoung-Teou-Y serait là pour arrêter sa volonté.

Ki-Chan nous raconta de quelle manière étrange on avait traité à Péking la grande affaire des Anglais en 1839. L'Empereur convoqua les huit Tchoung-Tang qui composent son conseil intime, et leur parla des événements survenus dans le midi. Il leur dit que des aventuriers des mers occidentales s'étaient montrés rebelles et insoumis, qu'il fallait les prendre et les châtier sévèrement, afin de donner un exemple à tous ceux qui seraient tentés d'imiter leur inconduite ... Après avoir ainsi manifesté son opinion, l'Empereur demanda l'avis de son conseil. Les quatre Tchoung-Tang mantchous se prosternèrent, et dirent : Tchè, tchè, tché, Tchou-Dze-Ti, Fan-Fou ; Oui, oui, oui, voilà l'ordre du maître. Les quatre Tchoung-Tang chinois se prosternèrent à leur tour et dirent : Ché, ché, ché, Hoang-Chang-Ti, Tien-Ngen ; Oui, oui, oui, c'est le bienfait céleste de l'Empereur ... Après cela il n'y eut rien à ajouter, et le conseil fut congédié.

Cette anecdote est très-authentique ; car Ki-Chan est un des huit Tchoung-Tang de l'empire. Il ajouta que, pour son compte, il était persuadé que les Chinois étaient incapables de lutter contre les Européens, à moins de modifier leurs armes et de changer leurs vieilles habitudes, mais qu'il se garderait bien de jamais le dire à l'Empereur, parce que, outre que le conseil serait inutile, il lui en coûterait peut-être la vie.