Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/327

Cette page n’a pas encore été corrigée

ment et gratis n'était pas chose à dédaigner dans notre position ; mais nous appréciâmes, surtout, l'avantage de pouvoir fixer notre résidence dans une maison même du Régent. Une faveur si signalée, une protection si éclatante de l'autorité thibétaine, ne pouvait manquer de nous donner, auprès des habitants de Lha-Ssa, une grande influence morale, et de faciliter notre mission apostolique.

En sortant du palais, nous allâmes, sans perdre de temps, visiter la maison qui nous avait été assignée ; c'était superbe, c'était ravissant! Le soir même nous opérâmes notre déménagement, et nous primes possession de notre nouvelle demeure.

Notre premier soin fut d'ériger dans notre maison une petite chapelle. Nous choisîmes l'appartement le plus vaste et le plus beau ; nous le tapissâmes aussi proprement qu'il nous fut possible, et ensuite nous l'ornâmes de saintes images. O ! comme notre âme fut inondée de joie, quand il nous fut enfin permis de prier publiquement au pied de la croix, au sein même de la capitale du bouddhisme, qui, peut-être, n'avait jamais encore vu briller à ses yeux le signe de notre rédemption ! Quelle consolation pour nous, de pouvoir enfin faire retentir des paroles de vie aux oreilles de ces pauvres populations, assises depuis tant de siècles aux ombres de la mort ! Cette petite chapelle était à la vérité bien pauvre, mais pour nous elle était ce centuple que Dieu a promis à ceux qui renoncent à tout pour son service. Notre cœur était si plein, que nous crûmes n'avoir pas acheté trop cher le bonheur que nous goûtions, par deux années de souffrances et de tribulations à travers le désert.