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mais ils sont si maigres ! qui voudrait les acheter à cette heure ? — Le Régent désire les acheter ; le Régent ? — Oui, lui-même ; ne riez pas, ce n'est pas une plaisanterie ... Combien en voulez-vous ? — Oh! ce qu'on voudra ! — Hé bien, vos chevaux sont achetés. Et à ces mots, le Kachemirien déploya un petit paquet qu'il portait sous son bras, et posa sur le plancher deux lingots d'argent du poids de dix onces chaque. — Voilà, dit-il, le prix de vos deux chevaux. — Nous pensâmes que nos animaux, maigres et éreintés comme ils étaient, ne valaient pas cela, et nous le dîmes consciencieusement au gouverneur des Katchi ; mais il fut impossible de rien changer à cette affaire, qui avait été déjà conclue et arrêtée d'avance. Le Régent prétendait que nos chevaux, quoique maigres, étaient d'excellente race, puisqu'ils n'avaient pas succombé aux fatigues de notre long voyage. De plus, ils avaient à ses yeux une valeur exceptionnelle, parce qu'ils avaient parcouru de nombreuses contrées ; et surtout parce qu'ils avaient brouté les pâturages de Kounboum, patrie de Tsong-Kaba.

Vingt onces d'argent de plus dans notre maigre bourse, c'était une bonne fortune ; nous avions de quoi faire les généreux. Aussi, sans désemparer, nous prîmes un de ces lingots, et nous le plaçâmes sur les genoux de Samdadchiemba. — Voilà pour toi, lui dîmes-nous ; tu en auras pour t'endimancher des pieds à la tête. Samdadchiemba remercia froidement et maussadement ; puis les muscles de sa figure se détendirent, ses narines se gonflèrent, et sa large bouche se mit à sourire. Enfin il ne lui fut plus possible de comprimer sa joie ; il se leva, et fit deux ou trois