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persécuté les chrétiens, pour avoir eu de nombreuses occasions de se familiariser avec tout ce qui a rapport au culte catholique ; aussi, ne manqua-t-il pas de faire le connaisseur. Il expliqua les images, les vases sacrés, les ornements ; il sut même dire que, dans la boite aux saintes huiles, il y avait un remède fameux pour les moribonds. Pendant toutes ces explications,le Régent était préoccupé et distrait ; ses yeux se tournaient incessamment vers un grand fer à hosties. Ces longues pinces terminées par deux larges lèvres, paraissaient agir fortement sur son imagination ; il nous interrogeait des yeux,et semblait nous demander si cet affreux instrument n'était pas quelque chose comme une machine infernale. Il ne fut rassuré qu'après avoir vu quelques hosties que nous tenions renfermées dans une boîte. Alors, seulement, il comprit l'usage de cette étrange machine.

Le bonhomme de Régent était tout rayonnant de joie et tout triomphant, de voir que, parmi nos effets, on n'avait rien trouvé qui pût nous compromettre. — Hé bien, dit-il à l'ambassadeur chinois, avec un ton plein de malice, que penses-tu de ces hommes ? que faut-il en faire ? — Ces hommes sont Français, ils sont ministres de la religion du Seigneur du ciel, ce sont de braves gens ; il faut les laisser en paix ... Ces paroles flatteuses furent accueillies dans la salle par un léger murmure d'approbation, et les deux Missionnaires répondirent au fond du cœur : Deo gratias ! La gent corvéable s'empara de notre bagage, et nous retournâmes à notre logis avec une démarche sans doute plus alerte et plus dégagée que lorsque nous en étions partis. La nouvelle de notre réhabilitation s'était promptement