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dans sa boite. — Nous pensions, dîmes-nous à Ki-Chan, sur un ton tout-à-fait parlementaire, nous pensions être venus ici pour subir un jugement, et non pas pour jouer la comédie. — Quel jugement a-t-on à faire ? dit-il, en se redressant vivement ? Nous avons voulu visiter vos effets, savoir au juste qui vous êtes, et voilà tout. — Et les cartes de géographie, tu n'en parles pas ? — Oui, oui ; c'est le point important ; où sont vos cartes de géographie ? — Les voilà ; et nous déployâmes les trois cartes que nous avions, savoir : ne mappe-monde, une terre-plate d'après la projection de Mercator, et un Empire chinois. L'apparition de ces cartes fut pour le Régent comme un coup de foudre. Le pauvre homme changea de couleur trois ou quatre fois dans l'espace d'une minute, comme si nous eussions déployé notre arrêt de mort. — Nous sommes heureux, dîmes-nous à Ki-Chan, de te rencontrer dans ce pays. Si, par malheur, tu n'étais pas ici, il nous serait impossible de convaincre les autorités thibétaines que nous n'avons pas nous-mêmes tracé ces cartes. Mais pour un homme instruit comme toi, pour un homme si bien au courant des choses de l'Europe, il est facile de voir que ces cartes ne sont pas notre ouvrage. — Ki-Chan parut extrêmement flatté du compliment. — C'est évident, dit-il ; au premier coup d'oeil, on voit que ces cartes sont imprimées. Tiens, regarde, dit-il au Régent ; ces cartes n'ont pas été faites par ces hommes ; elles ont été imprimées dans le royaume de France. Toi, tu ne sais pas distinguer cela ; mais moi, je suis accoutumé depuis longtemps aux objets venus du ciel d'occident. — Ces paroles produisirent sur le Régent un effet magique ; sa figure se dilata ; il