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voilà les clefs ; ouvre-les, vide-les, examine à ton aise. — Ki-Chan rougit, et fit un mouvement en arrière. Sa délicatesse de Chinois parut s'indigner. — Est-ce que ces malles m'appartiennent, nous dit-il avec émotion ?... Est-ce que j'ai le droit de les ouvrir ? Si ensuite il vous manquait quelque chose, que diriez-vous ? — Ne crains rien ; notre religion nous défend de juger témérairement le prochain. — Ouvrez vous-mêmes vos malles ... Je veux savoir ce qu'il y a ; c'est mon devoir. Mais vous seuls avez le droit de toucher à ce qui vous appartient.

Nous fîmes sauter le sceau du Talé-Lama, le cadenas fut enlevé ; et ces deux malles, que tout le monde perçait des yeux depuis longtemps, furent enfin ouvertes à tous les regards. Nous retirâmes tous les objets les uns après les autres, et nous les étalâmes sur une grande table. D'abord, parurent quelques volumes français et latins, puis des livres chinois et tartares, des linges d'église, des ornements, des vases sacrés, des chapelets, des croix, des médailles, et une magnifique collection de lithographies. Tout le monde était en contemplation devant ce petit musée européen. On ouvrait de grands yeux, on se poussait du coude, on faisait claquer les langues en signe d'admiration. Jamais personne n'avait rien vu de si beau, de si riche, de si merveilleux. Tout ce qui brillait blanc, était de l'argent ; tout ce qui brillait jaune, était de l'or. Toutes les physionomies s'épanouirent, et on parut oublier complètement que nous étions des gens suspects et dangereux. Les Thibétains nous tiraient la langue, en se grattant l'oreille, et les Chinois nous faisaient les courbettes les plus sentimentales. Notre sac de médailles principalement