Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/311

Cette page n’a pas encore été corrigée

et remercier le Régent de sa bienveillante attention ; mais nous nous aperçûmes bientôt que nous n'étions pas libres de refuser ce que nous avions eu la bonhomie de prendre pour une politesse. Nous étions tout bonnement prisonniers. Nous saluâmes le Régent un peu froidement, et nous suivîmes un individu, qui, après nous avoir fait traverser un grand nombre de chambres et de corridors, nous introduisit dans une espèce de cabinet, auquel nous avons bien le droit de donner le nom de prison, puisqu'il ne nous était pas permis d'en sortir pour aller ailleurs.

On nous avait préparé deux couchettes, qui, sans contredit, valaient infiniment mieux que les nôtres. Cependant nous regrettâmes nos pauvres grabats, où nous avions goûté si longtemps un sommeil libre et indépendant, durant nos grandes courses à travers le désert. Des Lamas et des serviteurs du Régent arrivèrent en foule pour nous visiter. Ceux qui étaient déjà couchés se relevèrent, et on entendit bientôt dans ce vaste palais, naguère si silencieux et si calme, les portes s'ouvrir et se fermer, et les pas précipités des curieux retentir dans tous les corridors. On se pressait autour de nous, et on nous examinait avec une insupportable avidité. Dans tous ces regards, qui se croisaient sur nous de tous côtés, il n'y avait ni sympathie ni malveillance ; ils exprimaient seulement une plate curiosité. Pour tous ces individus qui nous entouraient, nous n'étions rien de plus qu'une sorte de phénomène zoologique. O qu'il est dur d'être ainsi donné en spectacle à une multitude indifférente ! Lorsque nous jugeâmes que ces importuns avaient suffisamment regardé