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ils aperçurent dans la plaine, aux environs de la lamaserie, des tentes nombreuses et une multitude de soldats thibétains et chinois, armés jusqu'aux dents, et qui leur barraient le passage. A cette vue, tous les courages s'évanouirent ;... la conque marine se fit entendre, et ces soldats improvisés, jetant bas les armes, rentrèrent dans leurs cellules, prirent leur livre sous le bras, et se rendirent tranquillement au chœur, pour réciter, selon l'usage, les prières du matin.

Quelques jours après, le Nomekhan, accompagné d'une bonne escorte, prit la route du Ssé-Tchouen, et s'achemina comme un mouton vers l'exil qui lui avait été assigné. On n'a jamais bien compris à Lha-Ssa, comment cet homme, qui n'avait pas reculé devant le meurtre de trois Talé-Lamas, n'avait pus. voulu profiter de l'insurrection des Lamas de Sera. Il est certain que, d'un seul mot, il eût pu anéantir tous les Chinois qui se trouvaient à Lha-Ssa, et peut-être mettre en feu le Thibet tout entier ; mais le Nomekhan n'était pas trempé pour un pareil rôle : il avait la lâche énergie d'un assassin, et non l'audace d'un séditieux.

Ki-Chan, enivré de son triomphe, voulut étendre son pouvoir jusque sur les Thibétains complices du Nomekhan. Celte prétention ne fut pas du goût des Kalons, qui lui déclarèrent qu'à eux seuls appartenait le droit de juger des gens qui ne dépendaient en rien de la Chine, et contre lesquels on n'avait pas demandé la protection de l'Empereur. Le Kin-Tchaï n'insista point ; mais pour ne pas avoir l'air de céder aux autorités thibétaines, il leur répondit officiellement qu'il leur abandonnait ces assassins de bas étage,