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Les habitants de Lha-Ssa, se portèrent avec empressement vers ces placards étranges, qu'ils n'étaient pas accoutumés de voir sur les murs de leur ville. La nouvelle de la condamnation du Nomekhan se répandit avec rapidité parmi la multitude ; des groupes nombreux se formèrent, où l'on discutait avec feu, mais à voix basse. Les figures étaient animées, et de tous côtés s'élevait un frémissement sourd et presque silencieux. L'agitation qui régnait parmi le peuple thibétain, avait moins pour objet la chute méritée du Nomekhan, que l'intervention de l'autorité chinoise, intervention dont tout le monde se sentait froissé et humilié.

A la lamaserie de Sera, l'opposition se manifesta avec une tout autre énergie. Aussitôt qu'on y eut connaissance de l'édit impérial, l'insurrection fut spontanée et générale. Ces quinze mille Lamas, qui étaient tous dévoués à la cause du Nomekhan, s'armèrent précipitamment de lances, de fusils, de bâtons, de tout ce qu'ils purent rencontrer, et se précipitèrent sur Lha-Ssa, dont ils n'étaient éloignés que d'une demi-lieue. Les épais nuages de poussière qu'ils soulevaient dans leur course désordonnée, et les épouvantables clameurs qu'ils faisaient entendre, annoncèrent leur arrivée aux habitants de Lha-Ssa. — Les Lamas de Sera ! Voici les Lamas de Sera !... — Tel fut le cri qui retentit presque en même temps dans la ville entière, et qui porta l'effroi dans tous les cœurs. Los Lamas fondirent comme une avalanche sur la résidence de l'ambassadeur chinois, et en firent voler les portes en éclats, aux cris mille fois répétés de : Mort à Ki-Chan ! mort aux Chinois ! Mais ils ne trouvèrent personne sur qui ils pussent faire tomber