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confisquer à son profit une partie de l’autorité spirituelle et temporelle du Talé-Lama.

La mort violente des trois Talé-Lama, prédécesseurs immédiats de celui qui règne aujourd’hui, a donné naissance, dans l’année 1844, à un événement, dont le Thibet, la Tartarie, la Chine même, se sont vivement préoccupés, et qui, à cause de son importance, mérite peut-être qu’on en dise ici quelque chose.

Le phénomène inoui de trois Talé-Lama morts successivement à la fleur de leur âge, avait plongé la population de Lha-Ssa dans une morne consternation. Peu à peu, de sourdes rumeurs commencèrent à circuler : et bientôt on fit entendre publiquement les mots de crime et d’assassinat. La chose alla si loin, qu’on racontait, dans les rues de la ville et dans les lamaseries, toutes les circonstances de ces funestes événements. On disait que le premier Talé-Lama avait été étranglé, le second écrasé par la toiture de sa chambre à coucher, et le troisième empoisonné avec ses nombreux parents, qui étaient venus s’établir à Lha-Ssa. Le Lama supérieur de la grande lamaserie de Kaldan, qui était très-dévoué au Talé-Lama, avait aussi subi le même sort. La voix publique désignait le Nomekhan comme auteur de tous ces attentats. Les quatre ministres n’en doutaient nullement, et connaissaient toute la vérité: mais ils se trouvaient dans l’impuissance de venger la mort de leur souverain ; ils étaient trop faibles pour lutter contre le Nomekhan qui était soutenu par des amis nombreux et puissants.

Ce Nomekhan était Si-Fan, originaire de la principauté