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qui prennent une épouse dans le pays ; mais les liens du mariage sont incapables de les fixer pour la vie dans leur patrie adoptive. Après un certain nombre d'années, quand ils jugent qu'ils on fait des économies assez abondantes, ils s'en retournent tout bonnement en Chine, et laissent là leur femme et leurs enfants, à l'exception toutefois des garçons, qu'ils auraient scrupule d'abandonner. Les Thibétains redoutent les Chinois, les Katchi les méprisent, et les Péboun se moquent d'eux.

Parmi les nombreuses classes d'étrangers qui séjournent ou qui ne font que passer à Lha-Ssa, il n'y en avait aucune à laquelle nous eussions l'air d'appartenir ; nous ne ressemblions à personne. Aussi, dès les premiers jours de notre arrivée, nous aperçûmes-nous que l'étrangeté de notre physionomie attirait l'attention de tout le monde. Quand nous passions dans les rues, on nous examinait avec étonnement, et puis on faisait, à voix basse, de nombreuses hypothèses sur notre nationalité. On nous prenait tantôt pour deux Muphtis nouvellement arrivés de Kachemir, tantôt pour deux Brachmanes de l'Inde ; quelques-uns prétendaient que nous étions des Lamas du nord de la Tartarie} d'autres enfin soutenaient que nous étions des marchands de Péking, et que nous nous étions déguisés pour suivre l'ambassade thibétaine. Mais toutes ces suppositions s'évanouirent bientôt ; car nous déclarâmes formellement aux Katchi que nous n'étions ni Muphtis ni Kachemiriens ; aux Péboun, que nous n'étions ni Indiens, ni Brachmanes ; aux Mongols, que nous n'étions ni Lamas, ni Tartares ; aux Chinois, que nous n'étions ni marchands, ni du royaume du milieu. Quand on fut bien convaincu que nous