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Nomekhan comprit bien que, par ce jeu de mots, on voulait lui donner avis de se défier des Kin-Tchaï ; Lo-Pou ; mais, comme l'avertissement manquait de clarté et de précision, il continua sa route. Pendant qu'il était en conférence secrète avec les deux délégués de la cour de Péking, des satellites s'introduisirent brusquement dans l'appartement, poignardèrent le Nomekhan, et lui tranchèrent la tête. Un cuisinier thibétain, qui se trouvait dans une pièce voisine, accourut aux cris de la victime, s'empara de sa tête ensanglantée, l'ajusta au bout d'une pique, et parcourut les rues de Lha-Ssa, en criant, Vengeance, et Mort aux Chinois ! La ville tout entière fut aussitôt soulevée, on courut aux armes de toutes parts, et l'on se précipita tumultueusement vers le palais des Kin-Tchaï, qui furent horriblement mis en pièces. La colère du peuple était si grande, qu'on poursuivit ensuite indistinctement tous les Chinois ; on les traqua partout comme des bêtes sauvages, non-seulement à Lha-Ssa, mais encore sur tous les autres points du Thibet où ils avaient établi des postes militaires. On en fit une affreuse boucherie. Les Thibétains, dit-on, ne déposèrent les armes, qu'après avoir impitoyablement poursuivi et massacré tous les Chinois jusqu'aux frontières du Sse-Tchouen et du Yun-Nan.

La nouvelle de cette affreuse catastrophe étant parvenue à la cour de Péking, l'empereur Kien-Long ordonna immédiatement de grandes levées de troupes dans toute l'étendue de l'empire, et les fit marcher contre le Thibet. Les Chinois, comme dans presque toutes les guerres qu'ils ont eu à soutenir contre leurs voisins, eurent le dessous, mais ils furent victorieux dans les négociations. Les choses