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divinité du Bouddha-La. Un autre avantage de cette ambassade, c'est que les deux Kin-Tchaï peuvent facilement, à Lha-Ssa, surveiller les mouvements des peuples divers qui avoisinent l'empire, et en donner avis à leur gouvernement.

La trente-cinquième année du règne de Kien-Long, la cour de Péking avait à Lha-Ssa deux Kin-Tchaï, ou ambassadeurs, nommés, l'un, Lo, et l'autre, Pou. On avait coutume de les désigner en réunissant les noms, et en disant les Kin-Tchaï-Lo-Pou. Le mot Lo-Pou, voulant dire rave, en thibétain, ce terme devenait en quelque sorte injurieux, et le peuple de Lha-Ssa, qui n'a jamais vu de bon œil la présence des Chinois dans le pays, se servait volontiers de cette dénomination. Depuis quelque temps, d'ailleurs, les deux Mandarins chinois donnaient, par leur conduite, de l'ombrage aux Thibétains ; ils s'immisçaient tous les jours, de plus en plus, dans les affaires du gouvernement, et empiétaient ouvertement sur les droits du Talé-Lama. Enfin, pour comble d'arrogance, ils faisaient entrer de nombreuses troupes chinoises dans le Thibet, sous prétexte de protéger le Talé-Lama contre certaines peuplades du Népal, qui lui donnaient de l'inquiétude. Il était facile de voir que la Chine cherchait à étendre son empire et sa domination jusque dans le Thibet. L'opposition du gouvernement thibétain fut, dit-on, terrible, et le Nomekhan employa tous les ressorts de son autorité pour arrêter l'usurpation des deux Kin-Tchaï. Un jour qu'il se rendait au palais des ambassadeurs chinois, un jeune Lama lui jeta dans sa litière un billet sur lequel étaient écrits ces mots : — Lo-Pou, ma, sa : — c'est-à-dire, Ne mangez pas de raves, abstenez-vous des raves. — Le