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veines du bois. Dans le Thibet tout entier, depuis le mendiant le plus misérable jusqu'au Talé-Lama, tout le monde prend ses repas dans une écuelle de bois. Il est vrai que les Thibétains ne confondent pas indistinctement les écuelles entre elles, comme nous serions tentés de le faire, nous autres Européens. On doit donc savoir qu'il y a écuelle et écuelle ; il y en a qu'on achète pour quelques pièces de monnaie, et d'autres dont le prix va jusqu'à cent onces d'argent, a peu près mille francs. Et si l'on nous demande quelle différence nous avons remarquée entre ces diverses qualités d'écuelles en bois, nous répondrons, la main sur la conscience, que toutes nous ont paru à peu près de même valeur, et qu'avec la meilleure volonté du monde, il nous a toujours été impossible de saisir entre elles une différence de quelque importance. Les écuelles de première qualité, disent les Thibétains, ont la vertu de neutraliser les poisons.

Quelques jours après notre arrivée à Lha-Ssa, désireux que nous étions de remonter un peu notre vaisselle, déjà bien vieille et bien avariée, nous entrâmes dans une boutique d'écuelles. Une Thibétaine, au visage richement vernissé de noir, était au comptoir. Cette dame, jugeant à notre mine tant soit peu exotique et étrange, que nous étions, sans doute, des personnages de haute distinction, ouvrit un tiroir et en exhiba deux petites boites artistement façonnées, dans chacune desquelles était contenue une écuelle trois fois enveloppée dans du papier soyeux. Après avoir examiné la marchandise avec une sorte d'anxiété, nous demandâmes le prix. — Tchik-la, gatserè ? Combien chaque ? — Excellence, cinquante onces