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sévères, et surtout de la colère et de l'indignation de Bouddha. Il fallut, sans contredit, un courage bien extraordinaire, pour oser publier un édit semblable ; mais la chose la plus étonnante, c'est que les femmes se soient montrées obéissantes et résignées. La tradition n'a pas conservé le plus léger souvenir de la moindre insurrection, de la plus petite émeute. Conformément à la loi, les femmes se noircirent donc à outrance, se rendirent laides à faire peur, et l'usage s'est religieusement conservé jusqu'à ce jour ; il paraît que la chose est considérée maintenant comme un point de dogme, comme un article de dévotion. Les femmes qui se barbouillent de la manière la plus dégoûtante, sont réputées les plus pieuses. Dans les campagnes, l'édit est observé avec scrupule, et de façon à ce que les censeurs ne puissent jamais y trouver rien à redire ; mais à Lha-Ssa, il n'est pas rare de rencontrer dans les rues, des femmes qui, au mépris des lois et de toutes les convenances, osent montrer en public leur physionomie non vernissée, et telle que la nature la leur a donnée. Celles qui se permettent cette licence, ont une très-mauvaise réputation, et ne manquent jamais de se cacher quand elles aperçoivent quelque agent de la police.

On prétend que l'édit du Nomekhan a fait un grand bien à la moralité publique. Nous n'avons aucune raison pour avancer positivement le contraire ; cependant nous pouvons dire que les Thibétains sont bien loin d'être exemplaires sous le rapport des bonnes mœurs ; il existe parmi eux de grands désordres, et nous serions tentés de croire que le vernis le plus noir et le plus hideux est impuissant pour ramener à la vertu des peuples corrompus. Le christianisme