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cadence, en s'accompagnant de la voix. Quand ces danses champêtres sont terminées, le maître de la ferme régale tout le monde avec une espèce de boisson aigrelette faite d'orge fermentée. C'est une espèce de bierre à laquelle il ne manque que du houblon.

Après deux jours de réquisitions dans toutes les fermes de la plaine, la caravane des ânes se trouva enfin organisée, et nous nous mimes en route. Nous n'étions séparés de Lha-Ssa que par une montagne ; mais c'était, sans contredit, la plus ardue et la plus escarpée de toutes celles que nous eussions rencontrées dans notre voyage. Les Thibétains et les Mongols la gravissent avec une grande dévotion ; ils prétendent que ceux qui ont le bonheur d'arriver au sommet reçoivent la rémission complète de leurs péchés. Ce qu'il y a de certain, c'est que, si cette montagne n'a pas le pouvoir de remettre les péchés, elle a du moins celui d'imposer une longue et rude pénitence à ceux qui la franchissent. Nous étions partis à une heure après minuit, et ce ne fut que vers dix heures du matin que nous atteignîmes le sommet. Nous fûmes contraints d'aller presque tout le temps à pied, tant il est difficile de se tenir à cheval parmi ces sentiers escarpés et rocailleux.

Le soleil était sur le point de se coucher, quand nous achevâmes de descendre les nombreuses spirales de la montagne. Nous débouchâmes dans une large vallée, et nous aperçûmes à notre droite Lha-Ssa, cette célèbre métropole du monde bouddhique. Cette multitude d'arbres séculaires, qui entourent la ville comme d'une ceinture de feuillage ; ces grandes maisons blanches, terminées en plate-forme et surmontées de tourelles ; ces temples nombreux