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point, lorsque nous entendîmes retentir de toutes parts ce cri désastreux : Mi yon ! mi yon ! Le feu ! le feu ! D'un bond nous fûmes hors de notre tente. Le feu avait pris en effet, dans l'intérieur du camp, aux herbes sèches, et menaçait d'envahir nos demeures de toile ; la flamme courait dans tous les sens avec une rapidité effrayante. Tous les voyageurs, armés de tapis de feutre, cherchaient à étouffer l'incendie, ou du moins à l'empêcher de gagner les tentes. Elles furent heureusement préservées. Le feu, chassé de tous les côtés, se fraya une issue, et s'échappa dans le désert. Alors la flamme, poussée par le vent, s'étendit au milieu de ces vastes pâturages, qu'elle dévorait en courant. Nous pensions qu'il n'y avait plus rien à craindre ; mais le cri : Sauvez les chameaux ! sauvez les chameaux ! nous fit aussitôt comprendre combien peu nous avions d'expérience d'un incendie dans le désert. Noua remarquâmes bientôt que les chameaux attendaient stupidement la flamme, au lieu de fuir comme les chevaux et les bœufs. Nous volâmes alors au secours des nôtres, qui étaient encore assez éloignés de l'incendie. Mais le feu y fut presque aussitôt que nous. Bientôt nous fûmes entourés de flammes. Nous avions beau pousser et frapper ces stupides chameaux, pour les forcer à fuir, ils demeuraient immobiles, se contentant de tourner la tête et de nous regarder flegmatiquement, comme pour nous demander de quel droit nous venions les empêcher de paître. Il y aurait eu, en vérité, de quoi les tuer ! La flamme consumait avec une si grande rapidité l'herbe qu'elle rencontrait sur son passage, qu'elle atteignit bientôt les chameaux. Le feu prit à leur longue et épaisse bourre, et nous dûmes nous