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nous aperçûmes au loin une troupe de cavaliers qui se dirigeaient sur nous, ventre à terre. A cette vue, il nous sembla que le sang se glaçait dans nos veines ; nous fûmes d'abord comme pétrifiés. Après ce premier instant de stupeur, nous sortîmes avec précipitation, et nous courûmes à la tente de Rala Tchembé. — Les Kolo ! les Kolo ! nous écriâmes-nous ; voici une grande troupe de Kolo qui arrive. — Les marchands thibétains, qui étaient occupés à boire du thé et à pétrir du tsamba, se mirent à rire, et nous invitèrent à nous asseoir. — Prenez le thé avec nous, dirent-ils, il n'y a plus de Kolo à craindre ; les cavaliers qui viennent sont des amis. Nous commençons à entrer dans les pays habités ; derrière cette colline que nous avons à notre droite, il y a un grand nombre de tentes noires. Les cavaliers que vous prenez pour des Kolo, sont des bergers du voisinage. — Ces paroles nous rendirent la paix, et la paix nous ramenant l'appétit, nous nous assîmes volontiers pour partager le déjeuner des marchands thibétains. A peine nous avait-on versé une écuellée de thé beurré, que les cavaliers furent à la porte de la tente. Bien loin d'être des brigands, c'étaient au contraire de fort braves gens, qui venaient nous vendre du beurre et de la viande fraîche. Leurs selles ressemblaient à des établis de bouchers ; elles soutenaient de nombreux quartiers de mouton et de chevreau, qui pendaient le long des flancs des chevaux. Nous achetâmes huit gigots de mouton, qui, étant gelés, pouvaient se transporter facilement. Ils nous coûtèrent une vieille paire de bottes de Péking, un briquet de Péking, et la selle de notre petit mulet qui, fort heureusement, était aussi une selle de Péking. Tous les