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rencontrait à chaque pas, semblaient nous avertir que, sur cette terre meurtrière, et au milieu de cette nature sauvage, les caravanes qui nous avaient précédés n'avaient pas eu un sort meilleur que le nôtre.

Pour surcroît d'infortune, M. Gabet tomba malade. La santé commença à l'abandonner au moment même où les affreuses difficultés de la route semblaient exiger un redoublement d'énergie et de courage. Le froid excessif qu'il avait enduré au passage du mont Chuga, avait entièrement brisé ses forces. Il lui eût fallu, pour reprendre sa vigueur première, du repos, des boissons toniques, et une nourriture substantielle et fortifiante. Or, nous n'avions à lui donner que de la farine d'orge, et du thé fait avec de l'eau de neige ; de plus, il devait, malgré son extrême faiblesse, monter tous les jours à cheval, et lutter contre un climat de fer ... Et nous avions encore deux mois de route à faire, au plus fort de l'hiver ! O que l'avenir était sombre !

Vers les premiers jours de décembre, nous arrivâmes en présence du Bayen-Kharat, fameuse chaîne de montagnes, qui va se prolongeant du sud-est au nord-ouest, entre le Hoang-Ho et le Kin-Cha-Kiang. Ces deux grands fleuves, après avoir roulé parallèlement leurs ondes des deux côtés du Bayen-Kharat, se séparent ensuite, et prennent une direction opposée, l'un vers le nord, et l'autre vers le sud. Après mille détours capricieux dans la Tartarie et dans le Thibet, ils entrent tous les deux dans l'empire chinois ; et après l'avoir arrosé d'occident en orient, ils se rapprochent, à mesure qu'ils avancent vers leur embouchure, et se jettent dans la mer Jaune, à peu