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de ne pas nous arrêter à la pensée que Charadchambeul avait volé ces jarres pendant la nuit ; nous aimâmes mieux supposer qu'il les avait ramassées le long du chemin. Mais notre pro-chamelier était un casuiste passablement relâché. Il prétendait que ces jarres lui appartenaient, que Bouddha lui en avait fait cadeau, et qu'il ne s'agissait plus que de les cacher avec soin, afin que le propriétaire ne les aperçût pas. — Essayer de raisonner morale et justice avec un gaillard de cette trempe, était peine et temps perdus. Nous lui déclarâmes énergiquement, que ces jarres n'étant ni à nous ni à lui, nous ne voulions ni les recevoir dans notre tente, ni les placer sur nos chameaux pendant le voyage, que nous n'avions nullement envie d'arriver à Lha-Ssa avec une réputation de voleurs .... Et afin qu'il prît bien au sérieux ce que nous lui disions, nous ajoutâmes que, s'il n'enlevait pas les jarres de notre tente, nous allions à l'instant avertir le propriétaire. Il se trouva un peu ébranlé par ces paroles. Afin d'achever de le déterminer à la restitution, nous lui conseillâmes de porter lui-même sa trouvaille à l'ambassadeur, en le priant de la faire remettre à son adresse. Le Tchanak-Kampo ne manquerait pas d'être touché de cette probité ; peut-être lui donnerait-il une récompense, ou du moins il se souviendrait de lui, et pourrait, à Lha-Ssa, lui être de quelque utilité. Après des contestations longues et violentes, ce parti fut adopté. Charadchambeul se présenta au Tchanak-Kampo, qui lui dit : — Tu es un bon Lama. Un Lama qui a la justice dans le cœur est agréable aux esprits. — Charadchambeul revint furieux. Il prétendit que nous lui avions fait faire une bêtise, et que le Tchanak-Kampo ne lui avait donné que