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par une multitude si grande et si bruyante ! En voyant toutes ces tentes de voyage, ces nombreux troupeaux, et ces hommes, tour à tour pasteurs et guerriers, nous ne pouvions nous empêcher de penser souvent à la marche des Israélites, lorsqu'ils s'en allaient à la recherche de la Terre promise, à travers les solitudes de Madian.

En quittant les bords de la mer Bleue, nous nous dirigeâmes vers l'ouest, en inclinant peut-être un peu vers le sud. Les premiers jours de marche ne furent que poésie ; tout allait au gré de nos désirs, le temps était magnifique, la route était belle et facile, l'eau limpide, et les pâturages gras et abondants. Quant aux brigands, on n'y songeait même pas. Pendant la nuit, le froid se faisait bien un peut sentir ; mais on obviait à cet inconvénient, en endossant ses habits de peau. Nous étions, enfin, à nous demander ce que ce fameux voyage du Thibet avait de si épouvantable ; il nous semblait qu'il était impossible de voyager d'une manière plus commode et plus agréable. Hélas, cet enchantement ne fut pas de longue durée !

Six jours après notre départ, il fallut traverser le Pouhain-Gol, rivière qui prend sa source aux pieds des monts Nan-Chan, et va se jeter dans la mer Bleue. Ses eaux ne sont pas très-profondes, mais étant divisées en douze embranchements très-raprochés les uns des autres, elles occupent en largeur un espace de plus d'une lieue. Nous eûmes le malheur d'arriver au premier embranchement du Pouhain-Gol, longtemps avant le jour ; l'eau était glacée, mais pas assez profondément pour que la glace pût nous servir de pont. Les chevaux étant arrivés les premiers, furent effrayés, et n'osèrent pas avancer ; ils s'arrêtèrent sur