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sont bons cavaliers, mais ils ne sont pas de la force des Tartares. Le soin de leurs troupeaux ne les empêche pas d'exercer un peu d'industrie, et de mettre à profit le poil de leurs bœufs et la laine de leurs moutons. Ils savent tisser des toiles grossières, dont ils font des tentes et des vêtements. Quand ils sont réunis autour de leur grande marmite de thé au lait, ils s'abandonnent comme les Tartares à leur humeur causeuse, et à leur goût pour les récits des aventures des Lamas et des brigands. Leur mémoire est pleine d'anecdotes et de traditions locales ; il suffit de les mettre sur la voie, et l'on est sûr de voir se dérouler un intarissable répertoire de contes et de légendes.

Un jour, pendant que nos chameaux broutaient tranquillement des arbustes épineux au fond de la vallée, nous allâmes chercher un abri contre le vent du nord, dans une petite tente d'où s'échappait une épaisse fumée. Nous y trouvâmes un vieillard, qui, à genoux et les mains appuyées contre terre, soufflait contre une pile d'argols qu'il venait de placer sur son foyer. Nous nous assîmes sur une peau d'yack. Le vieillard croisa ses jambes, et nous tendit la main. Nous lui donnâmes nos écuelles qu'il remplit de thé au lait en nous disant : Temou chi, buvez en paix .... Puis il nous considéra l'un après l'autre avec une certaine anxiété. — Aka (frère), lui dîmes-nous, c'est la première fois que nous venons nous asseoir dans ta tente. — Je suis vieux, nous répondit-il, mes jambes ne peuvent me soutenir ; sans cela, n'aurais-je pas été à Tchogortan vous offrir mon khata ? D'après ce que j'ai entendu raconter aux bergers des tentes noires, vous êtes du fond du ciel d'occident. — Oui, notre pays est bien loin d'ici. — Etes-vous du royaume des Samba