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et il se mit ensuite en devoir de lui presser les mamelles. La mère fit d'abord à son cher petit des yeux énormes ; peu à peu elle baissa vers lui la tête, elle le flaira, elle éternua dessus trois ou quatre fois, enfin elle se mit à le lécher avec une admirable tendresse. Ce spectacle nous fit mal au cœur ; il nous semblait que celui qui le premier avait inventé cette affreuse parodie de ce qu'il y a de plus touchant dans la nature, ne pouvait être qu'un monstre. Cependant une circonstance assez burlesque diminua un peu l'indignation que nous inspirait cette supercherie. A force de lécher et de caresser son petit veau, la mère finit un beau jour par lui découdre le ventre. La paille en sortit, et la vache, sans s'émouvoir, se mit à brouter ce fourrage inespéré.

Les Si-Fan nomades se distinguent facilement des Mongols par une physionomie plus expressive, et par une plus grande énergie de caractère ; leur figure est moins épatée, et on remarque, dans leur allure, une aisance et une vivacité qui contrastent avec la lourdeur des Tartares. Les divertissements folâtres, les chansons bruyantes et les éclats de rire animent sans cesse leur campement, et en bannissent la mélancolie ; avec ces dispositions à la gaité et au plaisir, les Si-Fan sont d'une humeur guerroyante, et d'un courage indomptable. Aussi témoignent-ils un mépris profond pour l'autorité chinoise ; quoiqu'ils soient sur la liste des peuples tributaires, ils refusent obstinément à l'Empereur obéissance et tribut. Il y a même parmi eux des peuplades qui exercent habituellement leur brigandage jusque sur les frontières de l'empire, sans que les Mandarins chinois osent se mesurer avec eux. Les Si-Fan