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de notre opinion ; car nous pensons que le savant géographe a eu moins que nous l'occasion d'aller boire du lait dans les tentes noires, et d'apprécier sa saveur.

Parmi les troupeaux des Si-fan, on remarque quelques bœufs jaunes, qui sont de la race des bœufs ordinaires qu'on voit en France ; mais ils sont, en général, faibles et de mauvaise mine. Les veaux qui naissent d'une vache à long poil et d'un bœuf jaune, se nomment karba ; ils sont rarement viables ; les vaches à long poil sont si pétulantes et si difficiles à traire, que pour les tenir en repos, on est obligé de leur donner leur petit veau à lécher. Sans ce moyen, il serait impossible d'en avoir une seule goutte de lait.

Un jour, un des Lamas bouviers qui logeait avec nous, s'en vint, la figure triste et allongée, nous annoncer qu'une de ses vaches avait mis bas pendant la nuit, et que malheureusement elle avait fait un karba. Le veau mourut en effet dans la journée. Le Lama se hâta d'écorcher la pauvre bête et de l'empailler. D'abord cela nous surprit fort, parce que ce Lama n'avait pas du tout la mine d'un homme à se donner le luxe d'un cabinet d'histoire naturelle. Quand l'ouvrage fut terminé, nous remarquâmes que le mannequin n'avait ni pieds ni tête ; il nous vint alors en pensée, que c'était, tout bonnement, un oreiller qu'on avait voulu fabriquer. Cependant nous étions dans l'erreur, et nous n'en sortîmes que le lendemain matin, lorsque notre bouvier alla traire sa vache. Le voyant partir avec un petit seau à lait à la main et le mannequin sous le bras, il nous prit fantaisie de le suivre. Son premier soin fut de placer le karba empaillé aux pieds de la vache,