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contrées. Il en vient encore de temps en temps ; mais ils ne font pas de mal comme autrefois. — Àkayé, lui dîmes-nous, est-ce que par hasard tu aurais vu quelquefois des démons ? — Oh ! non, jamais ; et je suis sûr que vous autres non plus, vous n'en avez jamais vu. — Pourquoi dis-tu cela ? — C'est que les démons n'apparaissent qu'aux mauvais Lamas ; les bons ne peuvent pas les voir ... — En ce moment, les chants des Lamas, qui priaient sur les plates-formes, s'arrêtèrent ; et tout à coup les trompettes, les cloches, les tambours et les conques marines retentirent à trois reprises différentes. Ensuite les Lamas poussèrent tous ensemble des cris affreux, semblables à des hurlements de bêtes féroces ... La cérémonie était terminée. Les lanternes s'éteignirent, et tout rentra dans le silence. Nous souhaitâmes une bonne nuit au vieux Akayé, et nous allâmes reprendre notre sommeil.

Il y avait déjà plus de trois mois que nous résidions à Kounboum, jouissant de la sympathie des religieux bouddhistes et de la bienveillance de l'autorité. Mais depuis longtemps, nous étions en opposition flagrante avec une grande règle de la lamaserie. Les étrangers qui ne font que passer à Kounboum, ou qui doivent seulement y faire un court séjour, ont la faculté de s'habiller à leur gré. Ceux au contraire qui sont attachés à la lamaserie, et ceux qui doivent y résider pendant un long espace de temps, sont obligés de revêtir les habits sacrés des Lamas, c'est-à-dire la robe rouge, la petite dalmatique sans manches et laissant les bras à découvert, l'écharpe rouge, et la mitre jaune. On est très-sévère sur cette règle d'uniformité. Le grand Lama, chargé de veiller au maintien de la discipline, nous