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la prétention d'être, tout à la fois, bon chrétien et fervent bouddhiste ; dans les prières, il invoquait tour à tour Tsong-Kaba et Jéhovah ; il poussait la simplicité jusqu'à nous inviter quelquefois à prendre part à ses pratiques religieuses.

Un jour, il nous proposa pour le lendemain une partie de dévotion en faveur des voyageurs du monde entier. — Nous ne connaissons pas cette dévotion, lui dîmes-nous ; si lu voulais nous donner quelques explications ? — Voici : on sait qu'il y a souvent des voyageurs qui se trouvent sur des chemins pénibles et difficiles ; quelquefois ces voyageurs sont de saints Lamas qui font pèlerinage : or il arrive fréquemment qu'ils ne peuvent continuer leur route, parce qu'ils sont épuisés de fatigue ; dans ce cas, nous allons à leur secours en leur envoyant des chevaux. — Oh! nous écriâmes-nous, cette pratique est bien belle, elle est très-conforme aux principes de la charité chrétienne ; mais considère que nous autres pauvres voyageurs, nous ne sommes pas actuellement en position de prendre part à cette belle œuvre ; tu sais que nous ne possédons qu'un cheval et un petit mulet, que nous devons faire reposer, afin de nous en servir pour notre voyage du Thibet. —Tsong-Kaba ! s'écria le bègue, puis il frappa ses mains l'une contre l'autre, en signe de jubilation, et s'abandonna à un rire inextinguible. — Qu'as-tu donc à rire ? Ce que nous te disons, c'est la vérité, nous n'avons qu'un cheval et un petit mulet ... — Quand le débordement de son hilarité fut un peu passé : — Ce n'est pas cela, nous dit-il, vous n'avez pas compris notre pratique de dévotion. Ce que nous envoyons aux voyageurs, ce sont des chevaux en papier .... Et en disant