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vers chinois. — Un Lama comédien, voilà qui est à merveille ! — Non, non, ce n'est pas cela. J'ai été d'abord Lama, puis comédien, puis enfin je suis redevenu Lama. Tenez, ajouta-t-il en s'asseyant à sa place accoutumée, puisque les gens désœuvrés racontent mes aventures, je veux moi-même vous les dire.

« .... Après être demeuré pendant dix ans à Lha-Ssa, dans la lamaserie de Séra, le mal du pays me prit ; je ne pensais qu'à revoir les Trois Vallons. Le mal devint si violent qu'il me fallut partir. J'eus pour compagnons de voyage quatre Lamas d'Amdo, qui s'en retournaient aussi dans leur pays. Au lieu de prendre la route de l'est, nous nous acheminâmes vers le sud, parce que de ce côté le désert est un peu habité. Nous allions, un bâton ferré à la main, et le dos chargé de notre petit bagage. Si, en chemin, nous rencontrions des tentes noires, nous y demandions l'hospitalité ; sinon, nous étions obligés, pour passer la nuit, de nous réfugier au fond des ravins ou à l'abri de quelque gros rocher. Vous savez que le Thibet est un pays tout couvert de grandes montagnes ; nous ne faisions donc que monter et descendre. Quoique ce fût dans l'été, il nous arrivait souvent de rencontrer de la neige. Les nuits étaient très-froides ; mais pendant le jour, nous éprouvions, au fond des vallées, une chaleur insupportable.

« .... La route se faisait gaiement. Nous étions tous cinq bien portants et toujours de belle humeur, surtout quand les bergers des tentes noires nous avaient fait l'aumône d'un chevreau ou de quelque grosse boule de beurre, Nous traversâmes un pays où nous rencontrâmes des animaux