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nos guides : à l'aide d'une petite lanterne, nous cherchâmes leurs traces, mais nous ne fumes pas plus heureux. Il fallut donc aller à l'aventure, au milieu de ces plaines aqueuses qui nous étaient entièrement inconnues. Bientôt nous nous trouvâmes tellement engagés au milieu des terres inondées, que nous n'osâmes plus avancer ; nous nous arrêtâmes sur le bord d'un champ, et nous y attendîmes le jour.

Aussitôt que l'aube commença à paraître, nous tirâmes nos animaux par la bride, et nous nous dirigeâmes, par mille détours, vers une grosse ville murée que nous apercevions dans le lointain : c'était Ping-Lou-Hien, ville de troisième ordre. Notre arrivée causa dans cette cité un désordre épouvantable. Le pays est remarquable par le nombre et la beauté des mulets : or, en ce moment, il y en avait un, attaché par le licou, devant presque toutes les maisons de la longue rue que nous suivions du nord au sud. A mesure que nous avancions, tous ces animaux, saisis d'épouvante, à la vue de nos chameaux, se cabraient subitement, et se ruaient avec impétuosité contre les boutiques voisines ; quelques-uns brisaient les liens qui les retenaient, s'échappaient au grand galop, et renversaient dans leur fuite les établis des petits marchands. Le peuple s'ameutait, poussait des cris, jurait contre les puants Tartares, maudissait les chameaux, et augmentait le désordre au lieu de l'apaiser. Nous étions profondément contristés de voir que notre présence avait des résultats si funestes ; mais qu'y faire ? Il n'était pas en notre pouvoir de rendre les mulets moins timides, ni d'empêcher les chameaux d'avoir une tournure effrayante. Un de nous se décida à courir en