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cailleux, un ruisseau assez abondant. Lombo-Moke partageait, avec son épouse Chingtsa-Tsio, les soins de la vie pastorale. Ils ne possédaient pas de nombreux troupeaux ; une vingtaine de chèvres, et quelques sarligues ou bœufs à long poil, étaient toute leur richesse. Depuis plusieurs années, ils vivaient seuls et sans enfants au sein de cette solitude sauvage. Lombo-Moke conduisait ses bestiaux dans les pâturages d'alentour, pendant que Chingtsa-Tsio, demeurée seule dans la tente, s'occupait à préparer les laitages, ou à tisser, selon l'usage des femmes d'Amdo, une toile grossière avec les longs poils des sarligues.

Un jour, Chingtsa-Tsio étant descendue au fond du ravin pour puiser de l'eau, éprouva un vertige, et tomba sans connaissance sur une large pierre où étaient gravés quelques caractères en l'honneur du Bouddha Chakdja-Mouni. Quand Chingtsa-Tsio se releva, elle ressentit une grande douleur au côté, et comprit que cette chute l'avait rendue féconde. Dans l'année de la poule de feu (1357), neuf mois après cet événement mystérieux, elle mit au monde un enfant que Lombo-Moke appela Tsong-Kaba, du nom de la montagne au pied de laquelle il avait planté sa tente depuis plusieurs années. Cet enfant merveilleux avait, en naissant, une barbe blanche, et portait sur sa figure une majesté extraordinaire. Ses manières n'avaient rien de puéril. Dès qu'il vit le jour, il fut capable de s'exprimer avec clarté et précision, dans la langue d'Amdo. Il parlait peu ; mais ses paroles renfermaient toujours un sens profond touchant la nature des êtres et la destinée de l'homme.

A l'âge de trois ans, Tsong-Kaba résolut de renoncer