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nous appelâmes le maître-d'hôtel pour régler nos comptes. Selon la méthode chinoise, quand il s'agit de sapèques, d'une part on demande beaucoup, et de l'autre on offre peu ; puis on conteste longuement ; et après de mutuelles concessions, on finit par se mettre d'accord. Comme on nous croyait Tartares, on trouva tout naturel de nous demander à peu près le triple de ce que nous devions : il résulta de là que les contestations furent doubles de ce qu'elles sont ordinairement. Il fallut discuter avec énergie, d'abord pour les hommes, puis pour les animaux : pour la chambre, pour l'écurie, pour l'abreuvoir, pour la marmite, pour le charbon, pour la lampe, pour tout enfin, jusqu'à ce que l'aubergiste fût descendu au tarif des gens civilisés. Cette malencontreuse apparence tartare que nous avions, nous a fourni l'occasion d'acquérir une certaine habileté dans les discussions de ce genre ; car il ne s'est pas passé un seul jour, durant notre voyage dans la province du Kan-Sou, où nous n'ayons été forcés de nous quereller avec les aubergistes. Ces querelles, du reste, n'ont jamais aucun inconvénient ; quand elles sont terminées, on n'en est que meilleurs amis.

Il n'était guère plus de minuit, que les chameliers chinois étaient déjà sur pied et faisaient, avec grand tumulte, leurs préparatifs de départ. Nous nous levâmes à la hâte ; mais nous eûmes beau nous presser pour seller nos animaux, nos compagnons de voyage furent prêts avant nous. Ils prirent le devant, en nous promettant d'aller à petits pas jusqu'à notre arrivée. Aussitôt que nous eûmes achevé de charger nos chameaux, nous partîmes sans perdre du temps. La nuit était sombre, il nous fut impossible de distinguer