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a fidèlement conservé parmi les Chinois. Vers l'an 1368, les Chinois songèrent à secouer le joug de la dynastie tartare fondée par Tching-Kis-Khan, et qui gouvernait l'empire depuis près de cent ans. Une vaste conjuration fut ourdie dans toutes les provinces ; elle devait éclater sur tous les points, le quinzième jour de la huitième lune, par le massacre des soldats mongols, établis dans chaque famille chinoise pour maintenir la conquête. Le signal fut donné de toutes parts, par un billet caché dans les gâteaux de la lune, qu'on avait coutume de s'envoyer mutuellement à pareille époque. Aussitôt les massacres commencèrent, et l'armée tartare, qui était disséminée dans toutes les maisons de l'empire, fut complètement anéantie. Cette catastrophe mit fin à la domination mongole ; et maintenant les Chinois, en célébrant la fête du Yué-Ping, se préoccupent moins des superstitions de la lune, que de l'événement tragique auquel ils durent le recouvrement de leur indépendance nationale.

Les Mongols semblent avoir entièrement perdu le souvenir de cette sanglante révolution ; car tous les ans ils font, comme les Chinois, la fête des Pains-de-la-Lune, et célèbrent ainsi, sans le savoir, le triomphe que leurs ennemis remportèrent autrefois sur leurs ancêtres.

A une portée de fusil de l'endroit où nous avions campé, on voyait s'élever plusieurs tentes mongoles, dont la grandeur et la propreté témoignaient de l'aisance de ses habitants. Cette opinion était d'ailleurs confirmée par des troupeaux immenses de bœufs, de moutons et de chevaux, qui paissaient aux environs. Pendant que nous récitions le Bréviaire dans l'intérieur de notre tente, Samdadchiemba