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parcourant ces populations idolâtres, nous rencontrâmes çà et là, sur les montagnes, dans les cités et les bourgades, le long des fleuves, partout, quelques familles privilégiées, prosternées au pied de la croix, récitant les mêmes prières que les Catholiques redisent sur toute la surface de la terre, et solennisant, comme eux, mais en secret, et dans le fond de leurs pauvres demeures, les belles fêtes de l’Église universelle. Quels touchants souvenirs des Catacombes !

Nous ne tardâmes pas à franchir la grande Muraille, barrière fameuse élevée par les Empereurs chinois contre les irruptions des Tartares, mais qui ne saurait arrêter la sainte invasion du Christianisme. La Mongolie fut pendant plusieurs années la Mission qui nous fut assignée. La vie du Missionnaire dans ces rudes et âpres contrées est souvent bien laborieuse : le défrichement de cette portion de l’immense champ du Père de Famille ne s’opère qu’à force de résignation et de patience. Ce n’est pas que la nature du sol soit toujours inféconde : mais il y a tant de ronces, les mauvaises herbes y sont si épaisses et si profondément enracinées, que souvent la divine semence languit et meurt. Celui, pourtant, qui a beaucoup de persévérance et qui ne se rebute pas d’aller et de répandre le grain évangélique dans les pleurs et les tribulations a quelquefois aussi la consolation de revenir au champ, le cœur plein de joie pour y faire ses gerbes. Euntes