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homme à goûter les charmes de cette paix du désert. Il était parvenu à rallumer son feu, et la préparation du thé l'absorbait entièrement. Nous le laissâmes donc accroupi auprès de la marmite ; et nous allâmes réciter le chapelet, en nous promenant autour du grand lac qui avait à peu près une demi-lieue de circuit. Déjà nous avions parcouru la moitié de la circonférence du lac, priant alternativement, lorsque peu à peu nos voix s'altérèrent et notre marche se ralentit. Nous nous arrêtâmes sans rien dire, et nous prêtâmes un instant l'oreille, sans oser proférer une seule parole, faisant même des efforts pour empêcher le bruit de notre respiration. Enfin nous nous exprimâmes l'un à l'autre le sujet de notre mutuelle terreur. Mais cela se fit d'une voix basse, et pleine d'émotion.... — N'avez-vous pas entendu tout à l'heure, et tout près de nous, comme des voix humaines ? — Oui, comme des voix nombreuses qui parleraient en secret. — Cependant nous sommes seuls, ici ; la chose est bien surprenante... : ne parlons pas ; prêtons encore l'oreille. — On n'entend plus rien : sans doute nous nous sommes fait, illusion... Nous nous remîmes en marche, et nous continuâmes la récitation de notre prière. Mais à peine avions-nous fait quelques pas, que nous nous arrêtâmes de nouveau. Nous entendîmes fort distinctement le même bruit. C'était comme le murmure confus et vague de plusieurs personnes qui discuteraient à voix médiocre. Cependant nous n'apercevions rien. Nous montâmes alors sur un tertre, et à la faveur de la lune, nous vîmes, à peu de distance de nous, se mouvoir dans les grandes herbes, comme des formes humaines. Nous entendîmes clairement leur voix, mais non pas d'une manière