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quelques instants, accroupis sur les cendres, les bras serrés contre la poitrine, et la téte appuyée sur les genoux.

Ce fut avec un inexprimable plaisir, que nous vîmes arriver la fin de cette longue et triste nuit. A l'aube du jour, le ciel tout bleu et sans nuages nous présageait une heureuse compensation des misères de la veille. Bientôt un soleil pur et brillant vint nous donner l'espérance que nos habits encore mouillés se sècheraient facilement en route. Nous fîmes avec diligence les préparatifs du départ, et la caravane se mit en mouvement. Le temps était magnifique. Petit à petit les grandes herbes des prairies relevaient leur tête courbée par les eaux de la pluie ; le chemin commençait à se raffermir, et nous sentions déjà avec délices la douce chaleur des rayons du soleil. Enfin, pour achever d'épanouir nos cœurs, nous entrions dans les belles plaines de la bannière rouge, la plus pittoresque du Tchakar.

Tchakar signifie en mongol pays limitrophe. Cette contrée est bornée, à l'est, par le royaume de Gechekten ; à l'ouest, par le Toumet occidental ; au nord, par le Souniout, et au midi par la grande muraille. Son étendue est de cent-cinquante lieues en longueur, sur cent en largeur. Les habitants du Tchakar sont tous soldats de l'Empereur, et reçoivent annuellement une somme réglée d'après leurs titres. Les soldats à pied touchent douze onces d'argent par an, et les soldats à cheval vingt-quatre.

Le Tchakar est divisé en huit bannières — en chinois pa-ki — qu'on distingue par le nom de huit couleurs, savoir : bannière blanche, bleue, rouge, jaune, blanchâtre, bleuâtre, rougeâtre, jaunâtre. Chaque bannière a son terriloire