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ils se regardent partout comme des étrangers qui ne font que passer ; et ce vif sentiment, dont ils sont profondément pénétrés, se traduit toujours par de longs voyages.

C'est une chose bien digne d'attention, que ce goût des pèlerinages, qui, dans tous les temps, s'est emparé des peuples religieux, Le culte du vrai Dieu conduisait les Juifs, plusieurs fois par an, au temple de Jérusalem. Dans l'antiquité, les hommes qui se donnaient quelque souci des croyances religieuses, s'en allaient en Egypte se faire initier aux mystères, et demander des leçons de sagesse aux prêtres d'Osiris. C'est aux voyageurs que le Sphinx mystérieux du mont Phicéus proposait la profonde énigme dont Œdipe trouva la solution. Au moyen-âge, l'esprit de pèlerinage était dominant en Europe, et les chrétiens de cette époque étaient pleins de ferveur pour ce genre de dévotion. Les Turcs, quand ils étaient encore croyants, se rendaient à la Mecque par grandes caravanes ; et de nos jours enfin, dans l'Asie centrale, on rencontre sans cesse de nombreux pèlerins qui vont et viennent, toujours poussés, toujours mus par un sentiment profond et sincère de religion. Il est à remarquer que les pèlerinages ont diminué en Europe, à mesure que la foi s'est faite rationaliste, et qu'on s'est mis à discuter la vérité religieuse. Au contraire, plus la foi a été vive et simple parmi les peuples, plus aussi les pèlerinages ont été en vigueur. C'est que la vivacité et la simplicité de la foi donnent un sentiment plus profond et plus énergique de la condition de l'homme voyageur sur la terre, et alors il est naturel que ce sentiment se manifeste par de saints voyages. Au reste, l'Eglise catholique, qui conserve dans son sein toutes les